Translate

vendredi 6 octobre 2017

Blade Runner : une dystopie qui pose un questionnement fondamental



Non vous ne rêvez pas, le sujet de cet article est bien Blade Runner, ce classique de la science-fiction réalisé par Ridley Scott avec Harrison Ford, adapté de la nouvelle « Les androïdes rêvent-il de moutons électriques ? » de Philip K. Dick.

Si tu es un fan inconditionnel de science-fiction tu as certainement déjà vu ce film ! *Euh Alex, je te signale que tu es un fan inconditionnel de science-fiction et que tu as vu ce film il y a tout juste quelques jours...* Si ce n’est pas le cas, je vous invite quand même à poursuivre votre lecture … Sinon personne ne va me lire #solitude…

Il ne s’agira pas de critiquer tant le film en lui-même mais plutôt d’analyser les questionnements qui en ressortent. Blade Runner est incontestablement devenu un chef d’œuvre dans le genre et il serait plutôt incongru de lui trouver des défauts tant la réflexion apportée est forte. Il convient donc de faire un résumé rapide, suivi d’une critique globale avant d’attaquer la théorie qui subsiste sur le protagoniste principal.

Concrètement, Blade Runner c’est quoi ?


C’est un film de science-fiction (*sans blague ?*) réalisé par Ridley Scott (à qui l’on doit Aliens) sorti en 1982. Le métrage est situé à Los Angeles en 2019 et met en scène le personnage de Rick Deckard, incarné par Harrison Ford, un ancien « Blade Runner » qui se voit contraint de reprendre du service pour traquer un groupe de Réplicants, des androïdes crées à l’image de l’Homme, mené par un personnage énigmatique : Roy Batty.

Un « Blade Runner » est le nom que l’on donne à cette branche particulière de la police chargée de traquer et de tuer les Réplicants. Si Deckard est forcé de sortir de sa retraite c’est parce qu’il s’agit du meilleur « Blade Runner » et qu’il est le seul à pouvoir traquer les 4 Réplicants illégalement arrivés sur Terre. D’ailleurs, ces derniers ressemblent davantage à des clones plutôt qu’à des « robots ».  La particularité d’un Réplicant c’est qu’il ne possède pas la faculté d’empathie propre à l’être humain. Il possède en revanche des souvenirs artificiels génériques ou bien issus de personnes réels ; ce qui lui donne l’illusion d’existence. Les « Blade Runner » ont un outil leur permettant de déceler ce manque d’empathie : le test Void-Khamph.


Les différentes versions du film


À ce jour, il existe plusieurs versions différentes du film. La version initiale de 82 est un échec commercial aux Etats-Unis. Ce n’est qu’avec la sortie du « director’s cut » (approuvée par Ridley Scott lui-même) en 1992 que la réputation du film s’améliore. C’est cette version là que j’ai visionné. J’en parlerai en détail plus bas, mais c’est notamment cette version qui instaure le doute sur la véritable identité de Deckard, renforçant davantage la thématique principale du film : le questionnement sur notre humanité. Et enfin, une dernière version a vu le jour en 2007 qui ne change pas beaucoup du « director’s cut » (d’après ce que j’ai compris) mis à part les effets spéciaux qui sont retravaillés, à l’instar de Georges Lucas avec la trilogie originale Star Wars.

L’œuvre est-elle à la hauteur de sa réputation ?


Je serais tenté de dire oui, et je vais vous dire pourquoi. Blade Runner mêle science-fiction et film noir sous un fond d'enquête policière. Force est de constater que ce film est une réussite totale avec en prime, une fin dubitative. Je n’ai jamais vu une œuvre de science-fiction pareille. Ridley Scott a instauré un style à la fois épuré mais imposant accompagné par une direction artistique en totale adéquation avec une intrigue qui maintien le spectateur jusqu’à la fin. Le cinéaste a mis en place un univers avec ses propres codes de façon perceptibleL’esthétisme est d’une beauté sans équivoque ! La plupart des plans sont marquants. Ce monde futuriste, de par les diverses façons dont il nous est montré, ne nous donne pas vraiment envie d’y vivre. Un sentiment de malaise s’installe quand on voit ce que la société est (dans la logique du film) devenu. On retrouve un côté très sombre qui est omniprésent avec un coloris qui tire beaucoup vers le bleu. La particularité du long-métrage c’est qu’il faut adhérer au style proposé. Il ne s’agit pas d’un film de SF mainstream. Ici, si tu n’accroches pas tu risques de laisser tomber avant la fin. Personnellement, j’ai mis un certain temps avant d’entrer pleinement dans le film.

Une intrigue longue à se mettre en place



Alors peut-être que ce n’est que mon avis mais j’ai trouvé que le film met du temps avant de réellement démarrer. C’est sans doute pour cela que je ne suis pas immédiatement rentré dedans. La première heure m’a paru soporifique mais avec du recul, elle semble nécessaire au vu de la complexité du scénario. À mon sens, cette longueur est le seul défaut du film. Certes elle est primordiale mais le risque de perdre l’attention du spectateur est grand. Evidemment, on peut supposer que le public auquel le film s’adresse est ciblé. Comme je l’ai dit en employant le terme « mainstream », il n’est pas fait pour plaire à un plus grand nombre. Autant ceux qui ne sont pas spécialement fans de SF peuvent apprécier quelques fictions issues de ce genre ; autant pour ce film, il faut vraiment aimer ce genre-là. L’intention artistique du réalisateur se ressent lors du visionnage de l’œuvre. Il n’y a donc aucun fossé entre l’objectif du cinéaste et le produit final.

Je ne veux pas faire de généralité, mais un grand nombre de films actuels ont un objectif purement commercial. Pour être vendeur beaucoup de codes y sont rattachés, dont le surplus d’action. Du coup, si l’intrigue m’a paru longue cela peut s’expliquer du fait que je suis (trop) habitué aux films contemporains où l’histoire évolue à un rythme effréné. On nous a habitué à des codes cinématographiques précis que l’on a du mal à intégrer des codes qui ne nous sont pas familiers. Cependant si je replace le film dans son contexte d’origine, il est peut-être malvenu de dire que le film paraît long. Toutefois, cet aspect-là mérite d’être critiqué puisque je suis obligé, d’une certaine façon, de comparer avec « l’univers » cinématographique dans lequel j’ai grandi et évolué.

 Un scénario aussi beau que l’esthétisme du film


Le scénario brille par sa virtuosité et son habilité à concilier l’intrigue principal avec les questionnements qui l’accompagne. Bien sûr, l’histoire va de pair avec les thématiques traitées. Finalement, ce qui compte ce n’est pas tant l’enquête policière en elle-même mais tout ce qu’elle suggère derrière.  Ce qui est dommage par contre c'est qu'on connaît l'histoire avant même Rick Deckard. Du coup, ça retire tout l'intérêt de l'enquête car nous ne sommes pas surpris lorsqu'il découvre des éléments. Plus nous avançons dans l’histoire, plus celle-ci se complexifie. Le dernier acte semble très bizarre à première vue, mais le discours que tient le dernier androïde, Roy, avant sa mort est doué de sens.



C’est typiquement le genre de film où il ne se passe pas grand-chose à l’écran mais en fait si… C’est compliqué à expliquer mais disons que tout passe par des éléments subtils et discrets. Ne cherchez pas l’action ici : ce film est avant tout contemplatif.


L’univers établi dépasse l’œuvre




Si vous avez vu le film je pense que vous serez d’accord avec ça : le principal ressenti que l’on a après avoir vu Blade Runner c’est que l’univers établi par Ridley Scott est cohérent et dépasse l’œuvre en elle-même. Vous me suivez toujours ? C’est-à-dire que l'on a l’intime sensation que les décors ont une histoire et qu’ils ont quelque chose à transmettre, quelque chose à dire. Les décors jouent un rôle essentiel dans ce métrage.


Bien plus qu'un film culte, c'est devenu un modèle





Bon, il faut admettre que même si quelques effets spéciaux semblent "dépassés" le film a plutôt bien vieilli. Pour moi, il s'agit d'une science-fiction qui sait se démarquer grâce à son authenticité. En aucun cas on ne retrouve des éléments similaires dans d’autres films de science-fiction. L’univers mis en place ici est interne à cette œuvre de SF avec sa propre technologie. Là où Minority Report est impersonnel dans la vision esthétique de son univers, ici Ridley Scott livre sa propre vision faisant de ce film à la fois quelque chose de personnel et d’unique. Cette oeuvre a été une véritable source d'inspiration pour de nombreux créateurs. Pour donner un exemple, tout l'univers et l'atmosphère de Ghost in the Shell est largement inspiré de ce film-ci.
Il ne faut d’ailleurs pas oublier que Blade Runner est l’un des précurseurs des œuvres de SF au cinéma. Si aujourd’hui cela est courant de voir des voitures volantes ou des mégalopoles noires dans des films futuristes, c’est pourtant celui-ci qui a initié le phénomène. Visuellement, Blade Runner a marqué l’ensemble de la science-fiction.

Une thématique complexe et visionnaire


 La thématique principale du film est forte, réflexive et visionnaire. Non seulement Blade Runner est le précurseur dans le genre, mais il l’est aussi de par le thème fondamental. En effet, rappelez-vous que nous sommes en 82 et qu'il était rare à l’époque de retrouver ce genre de questionnement dans d’autres œuvres cinématographiques. Qu’est-ce qu’être humain ? Où sont les limites de notre humanité ? Comment différencier les humains des androïdes quand eux-mêmes ne connaissent pas leurs origines (comme Rachel) ? Voilà de quoi il est question ici. Pour ma part c’est le questionnement sur « qu’est-ce qui définit l’humain ? » qui m’a interpellé. Le fameux « je pense donc je suis » fait-il de nous un être humain ? La question mérite d’être posée. L’un des androïdes emploi cette citation de Descartes à un moment donné pour justifier le fait qu’ils ne doivent pas être considérés comme des machines à partir du moment où ils sont capables de penser et d’adopter des comportements humains. Ce film nous offre une vision délibérément pessimiste de l'avenir imprégné de la paranoïa et d'androïdes plus humains que les humains, plus parfaits mais persécutés.  
Aujourd’hui, nous ne sommes pas si loin de cette fiction avec les prouesses technologiques actuelles.

Un pilier dans la science-fiction  


 L’œuvre est-elle à la hauteur de sa réputation ? La réponse est oui. C’est un pilier dans la SF et je comprends tout à fait pourquoi. Bien qu’il subsiste certaines similitudes avec Minority Report (qui est également adapté d’une nouvelle de Philip K. Dick), celui-ci marque par son unicité, son casting ainsi que par son scénario habilement écrit et retranscrit avec brio par le réalisateur. Certains éléments de cette dystopie vont vous paraître étrange voire même incompréhensible (c’est l’effet que ça m’a fait) et je pense que c’est voulu. Le film ne nous apporte pas les réponses que nous attendions… Du moins, pas explicitement. À la manière d’un Inception, cette œuvre cinématographique sème divers indices à différents moments du film et c’est à nous de reconstituer le puzzle. Plusieurs hypothèses sont alors possibles, dont une en particulier sur le protagoniste principal. À noter que le deuxième opus – Blade Runner 2049 – sorti tout récemment, apporte peut-être des réponses à nos interrogations.



En ce qui me concerne, cette œuvre fictionnelle est une réussite absolue : un univers suffisamment développé avec un esthétisme cohérent, une bande-originale envoûtante qui nous transporte dans ce monde futuriste et un Harrison Ford qui correspond tout au fait au rôle. Je tiens à souligner le risque pour cet acteur d’accepter ce rôle après le succès connu dans les rôles de Han Solo (Star Wars) et d’Indiana Jones (Les Aventuriers de l’Arche Perdu).

L’aspect réflexif du métrage est fondé. Aujourd’hui, ce genre de questionnement sur « qu’est-ce qu’être humain ? » nous paraît anodin au vu des nombreuses œuvres qui, récemment encore, ont traités ce thème. Néanmoins, Blade Runner reste l’un des premiers films à avoir abordé ce questionnement à une époque où la technologie n’était pas aussi avancée qu’aujourd’hui. En cela, Ridley Scott et – surtout – Philip K. Dick étaient visionnaires. À noter évidemment que là où Blade Runner brille, c’est par les réflexions qui sont apportées sur l’humanité. Elles sont justes et nous laissent envisager des conséquences irréversibles. D’autres films n'abordent pas ces thèmes avec autant de sérieux, la finalité étant simplement distractive. Blade Runner n’est pas un divertissement, soyez en sûr.

En somme, c'est une oeuvre visuellement somptueuse qui dépeint un univers sombre et apocalyptique peuplé de personnages complexes. Blade Runner allie avec élégance grand spectacle et émotion.


Note : 4/5 (eh oui, pour une fois je met la note à la fin histoire de maintenir le suspens !)


Rick Deckard est-il un Réplicant ?


La grande question que l’on se pose à la fin du film est celle de la nature de Deckard. Souvenez-vous, j’ai dit un peu plus haut que Rachel n’avait pas conscience qu’elle est en réalité une Réplicante. Si c’est le cas pour elle, se pourrait-il qu’il en soit de même pour Deckard ? Il convient que la question est légitime, d’autant plus qu’il n’est jamais dit que Deckard ait été soumis au test Void-Khamph.


En fin de compte, la question de l’existentialisme va au-delà des Réplicants mais s’étend sur Deckard lui-même lorsqu’il s’interroge sur sa propre identité. Et c’est là que réside toute l’intelligence du scénario : à aucun moment nous n’avons de réponse à cette question, seulement des indices qui tentent de nous guider, de nous faire suggérer.  

Dans la version de 92, celle à laquelle je m’intéresse ici, on apprend donc que l’image de la licorne est l’une des images artificielles générées pour les Réplicants. Et il se trouve qu’à un moment donné du film, Deckard rêve d’une licorne. Dès lors, le regard que l’on porte sur ce personnage commence à être bouleversé
Ce bouleversement est accentué davantage avec l’origami de Gaff (un « Blade Runner » à la retraite qui suit de très près l’enquête de Deckard). Ce retraité s’exprime de manière originale puisqu’il communique au moyen d’origami. À la fin lorsque Deckard s’enfuie avec Rachel, il trouve à son domicile un origami de licorne… Le cinéaste insiste bien (via des gros plans) sur les origami produit par Gaff à différent moment du film... 
Nul doute que celui en forme de licorne ait également été produit par lui. Mais comment Gaff saurait que Deckard rêve de licorne ? La réponse est évidente : Gaff sait que Deckard est un Réplicant et il sait que les Réplicants rêvent de licornes. Ce qui est prouvé par le rêve de Deckard !



Si cette théorie semble plausible il y a tout de même un élément majeur qui la contredit : la présence de Rick Deckard dans Blade Runner 2049, se déroulant 30 ans après ce film. Or, on apprend dans Blade Runner qu’un Réplicant à une durée de vie de 4 ans. S’il s’avère que Deckard en est vraiment un, comment aurait-il pu vivre plus de 30 ans ? 

Et toi, qu'as-tu pensé du film et de la théorie émise sur Deckard ? J'attends ton avis soit en commentaire ci-dessous, soit en commentaire Facebook ! N'hésites pas à partager l'article s'il ta plu et parles-en autour de toi ! 😉


À bientôt sur Ciné-News ! ( en cliquant ici, vous retrouverez la page facebook dédiée au blog)
Alex 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire